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Portrait d'auto-entrepreneurs dans le domaine vinicole : « On a besoin d'amour et d'authenticité dans le vin »

Temps de lecture : 7 minutes
Portrait d'auto-entrepreneurs dans le domaine vinicole : « On a besoin d'amour et d'authenticité dans le vin »

Jean-Benoît et Hippolyte travaillent tous les deux, via leur auto-entreprise, dans le domaine vinicole : l'un dans l'oenologie, l'autre dans le design pour les domaines. A travers leurs regards croisés lors d'un entretien pour l'UAE, ils nous ont parlé de leur passion pour le vin, d'esthétisme lié à la vinification, de web et de leur choix de métier.


Sommaire

Une interview réalisée par Julien Loisel, journaliste pour l'Union des Auto-Entrepreneurs

Comment êtes-vous devenus auto-entrepreneurs dans le domaine du vin ?

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Jean-Benoît Dupouy : « je suis né dans un domaine viticole et j'ai toujours eu une grande connexion avec le monde du vin, de la vinification dans de nombreux domaines à la direction du conseil des Vins de Graves (dans le bordelais, ndlr) en passant par des expériences de sommelier. A la fin de la crise sanitaire, et après être retourné sur mes terres d'enfance pour aider mes parents au crépuscule de leur vie, j'ai décidé de me tourner vers l'art de la dégustation et les émotions qui en découlent, en suivant notamment une formation correspondant à cette philosophie. C'est logiquement que je me suis tourné vers l'auto-entreprise. ».

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Hippolyte Ternat : « j'ai également grandi dans les vignes, dans les Charentes, où mes grands-parents faisaient leur propre en vin sans appellation ni étiquette. On s'y retrouvait souvent bloqué par les tracteurs à moins de 20 kilomètres-heures et j'ai gardé de cette époque une passion pour le métier, d'autant plus que mon oncle est toujours vigneron-maraîcher. Je lis encore énormément de magazines sur le sujet, et surtout j'aime déguster les vins ! J'ai également eu l'occasion de travailler dans un bar à vin à New-York, ce qui n'a fait qu'amplifier ma passion. Après une reconversion professionnelle de dessinateur projeteur en bureau d'études, j'ai réalisé l'année dernière que le dessin technique n'était pas assez créatif à mon goût. C'est alors que des amis artisans m'ont demandé de l'aide, et que j'ai lancé mon activité de graphiste avant de la spécialiser dans le domaine viticole. ».

En quoi consiste votre métier ?

Jean-Benoît : « je propose des dégustations ludiques et conviviales autour d'une sélection de vins dégustés à l'aveugle, qui se termine par une formation sur les accords mets et vins. Les maîtres-mots : dégustation intuitive et lâcher-prise ! J'aime surtout transmettre et partager une mémoire, liée à l'enfance et aux émotions. Mes formations sont destinées à un public averti ou non ».

Hippolyte : « je créé des designs et des textes pour accompagner les domaines viticoles dans leur développement, du logo au site web en passant par l'identité visuelle et le référencement SEO*. Je peux autant travailler sur le texte de présentation d'un domaine que sur l'étiquette de ses bouteilles. ».

Pourquoi avoir fait le choix de l'auto-entreprise ?

Jean-Benoît : « j'ai décidé d'encadrer de manière simple mon activité, et l'auto-entrepreneuriat m'a permis d'oser et de me lancer : je peux facilement facturer mon savoir à transmettre, sans oublier toutefois que gérer mon auto-entreprise est similaire à toute autre forme juridique. Il me faut rester rigoureux dans toute la gestion et suivre mon business plan ! J'ai aussi eu la chance de rencontrer l'équipe de l'UAE, et de côtoyer une équipe aux valeurs similaires aux miennes, qui m'a aidé dans mes démarches. Tout cela n'a fait que conforter mon choix d'installation ! »

Hippolyte : « j'aime prendre mon temps. Le choix de l'auto-entreprise, que j'avais déjà en tête, s'est confirmé à l'occasion d'une journée de formation dans le cadre de mon parcours d"accompagnement. Le régime auto-entrepreneur m'est apparu idéal par sa simplicité, la déclaration trimestriellement de mon chiffre d'affaires, son aspect social et fiscal avec le format des cotisations de l'auto-entreprise. La pertinence de ce choix s'est confirmée sur cette première année où j'ai pu bénéficier de l'ACRE et payer moins de cotisations sociales au démarrage grâce à cette aide. ».

Quelle est la spécificité de votre activité, appliquée au domaine du vin ?

Hippolyte : « pour ma part, je crois que c'est la nécessité, contrairement à d'autres clients pour lesquels je réalise un design, de me rendre sur les lieux pour saisir l'atmosphère d'un domaine avant d'envisager tout travail créatif. Celui-ci part bien souvent d'un gribouillis, réalisé à partir d'un rocher, un arbre ou une statue, voire d'une discussion avec les propriétaires. »

Jean-Benoît : « ce que fait Hippolyte, c'est capter une émotion et la retranscrire pour qu'elle devienne évidente, dès qu'on achète la bouteille ou qu'on se rend sur le site web du domaine. Il doit reconstruire et traduire les sentiments du vigneron. »

Hippolyte : « oui, le site internet doit être d'après moi un miroir virtuel du domaine, sur lequel les visuels - graphisme, photos, logo, étiquettes - sont prépondérants. »

Jean-Benoît : « c'est un vocabulaire imagé à traduire par un visuel ! »

Hippolyte : « sans oublier que je dois aussi prendre en compte la spécificité du web, et ne pas passer à côté de points de détails qui peuvent faire la différence. Le domaine pour lequel je travaille actuellement est noté 4,8 sur 5 avec plus de 200 avis sur Google, et sa propriétaire n'était même pas au courant ! C'est un axe de valorisation énorme à prendre en compte dans les choix de communication, du même ordre que l'humour ou le fait de montrer le « off », des images de vendangeurs heureux par exemple. Le digital offre une expérience supplémentaire, qui appuie l'image. »

Jean-Benoît : « c'est fondamental, de montrer le beau, la valeur artistique, la poésie des vignes. Le virtuel est utile à condition de s'en servir à bon escient, de passer un message. Pour ma part, c'est celui de la quiétude auquel je tiens. Je m'en rends compte à travers mes dégustations : dans une société de stress et de burn-out, travailler autour du vin avec des rituels permet d'appréhender le goût en laissant parler l'émotion, l'intuition, le beau. Et cela emmène les gens ailleurs. Je conçois donc le procédé autour d'une belle assiette, d'un beau verre à pied, une belle étiquette.

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L'étiquette, justement, est la porte d'entrée dans le vin...

Jean-Benoît : « ...et d'autant plus une porte d'entrée vers de nouveaux types de vins : avec la féminisation du métier et l'arrivée des vins natures, les démarches actuelles se traduisent aussi à travers les étiquettes. Épurées, lumineuses, pleines de découvertes : on sort du concept du château à l'ancienne, en tenant plus compte de la sensibilité du vigneron, de l'environnement. »

Hippolyte : « un peu comme avec les plats au restaurant, la première impression doit désormais donner envie de goûter. Il faut que la bouteille donne aussi attirer le regard. »

Jean-Benoît : « oui, une belle étiquette me procure un petit pincement de lèvres, car je sais que je vais être joyeux à la dégustation ! »

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L'étiquette préférée de Jean-Benoît

Hippolyte : « je pense immédiatement à un restaurant que j'aime beaucoup, à Marseille, qui invite chaque mois une nouvelle brigade de cuisiniers, avec une cave ouverte dans leur salle : on rentre, et on choisit la bouteille. Les étiquettes prennent alors un rôle primordial : ce mini-tableau, concret ou abstrait, va conditionner le choix du client. »

Jean-Benoît : « à travers l'étiquette, ce sont aussi les choix de la jeune génération qui se reflètent : elle ose plus, tout en respectant la tradition de l'adéquation entre le terroir et le cépage, elle recherche la minéralité, les vins droits et frais. Les évolutions et les goûts changent, et ça se voit sur les étiquettes. »

Hippolyte : « je repense à un vin bourru espagnol, dégusté lors d'un voyage, avec un âne qui rigolait sur la bouteille. Ca m'a donné un grand sourire, et ajouté au charme de la dégustation. »

Jean-Benoît : « la force des étiquettes, c'est de donner envie au premier regard. Les domaines moins traditionnels peuvent mieux se démarquer, à rebours des sacro-saintes AOC et AOP françaises gérées au décret, aux rendements. Les étiquettes des cépages oubliés produits en biodynamie sont à l'image de cette innovation, entre créativité et authenticité. Et n'oublions pas que cela fonctionne pour de grands domaines : Romanée-Conti**, par exemple, produit son vin en biodynamie ! »

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Jean-Benoît en séance de dégustation

Votre phrase pour résumer votre amour du vin ?

Jean-Benoît : « Je me plais à dire que le vin évoque à la fois l'amour et l'amitié : il est passion et fidélité ! »
Hippolyte : « Dans le vin, nous cherchons l'écho d'un terroir ; dans le design, la résonance d'une émotion. »

Vous voyez donc un lien certain entre le vin et l’art, l’esthétisme ?

Jean-Benoît : « faire du vin s'apparente pour moi à un art. Lorsque je vinifiais, je me demandais d'ailleurs toujours si je pouvais apposer mon nom en bas de la bouteille. Le musée du Louvre établit régulièrement des ponts entre vin et oeuvres d'art : à bien le regarder, le tableau nous enivre d'émotions ! »

Hippolyte : « les deux me paraissent en effet indissociables ! Les artistes les plus renommés investissent les domaines, à l'image de JR il y a quelques années au Château La Coste. »

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L'étiquette préférée d'Hippolyte

Jean-Benoît : « je me rappelle d'un ami qui a commencé à diffuser de la musique dans ses cuves de fermentation, et qui m'expliquait que la Syrah était un cépage tanique qui préférait une musique suave, telle que le classique ou le jazz ! » (les recherches se concentrent également depuis quelques années sur la lutte sonore contre les bactéries et les champignons, ndlr).

 Hippolyte : « il y a dans ces anecdotes des histoires de vibrations que l'on ne comprend pas encore entièrement... mais l'art est un moyen d'impulser un mouvement, par le visuel ou le sonore, au-delà de la parole. »

Jean-Benoît : « on a besoin d'amour et d'authenticité dans le vin, la tête dans les étoiles et les pieds bien sur terre : on peut se servir de l'image pour véhiculer ces valeurs. Mon père tenait compte du système lunaire pour s'occuper de ses raisins, et j'ai toujours adoré marcher pieds nus dans les vignes. Le vin, c'est une sauvegarde du beau, un moyen de prendre conscience du soin à apporter à la terre, que l'on oublie parfois de respecter. On ne peut faire du beau vin qu'avec sensibilité, tout comme on écrit des poèmes ou l'on peint un tableau. »  

* Le vin bourru est un moût en cours de fermentation alcoolique. Cette boisson est trouble à cause des levures en suspension et des particules de raisin.
** Vin mythique de Bourgogne, élaboré à partir du cépage Pinot Noir
L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

Crédit photos : Omar Sotillo Franco sur Unsplash / Alexander Pogorelsky sur Unsplash / Jean-Benoît Dupouy / Hippolyte Ternat

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